2. La controverse (1781-1801)

 

2. De l’électricité animale à la pile électrique (2/2)

 

Volta : 1792

En mars 1792, Volta lit "De viribus …" : étonné et enthousiasmé par les résultats de Galvani, il refait les mêmes expériences. Mais bien vite son interprétation diverge de celle de Galvani. Volta se focalise sur l'arc conducteur bimétallique qui relie le nerf au muscle et intensifie le phénomène ; il est convaincu de la présence d'une électricité artificielle due aux deux métaux, qu'il considère comme les "moteurs de l'électricité". Il synthétise ses idées dans la fameuse phrase : E’ la diversita’ de’ metalli che fa, c'est-à-dire : "Ce qui compte, c'est la diversité des métaux".

Cette interprétation, connue comme "théorie spéciale du contact", lui valut, en 1794, la médaille Copley de la Royal Society.


Confrontons des théories de Galvani et de Volta à la fin de l'année 1792.

Pour Galvani le nerf et le muscle sont électriquement déséquilibrés (c'est-à-dire qu'ils ne sont pas dotés de la même charge électrique) ; le contact de l’arc amène le fluide électrique en équilibre produisant ainsi une contraction : l'arc a une fonction passive de conducteur.

Pour Volta l'arc bimétallique a une fonction active : c’est lui l’électromoteur : le contact de l'arc permet le déplacement du fluide électrique dont le passage de courant produit la contraction de la patte de grenouille.


Galvani : 1794, troisième expérience.

En 1794 Galvani montre que les contractions des grenouilles peuvent se produire soit en utilisant un arc monométalliste, soit en plaçant en contact direct les nerfs cruraux avec les muscles des pattes de grenouille. Le coup porté aux travaux de Volta est très dur !


Volta  : 1795, théorie générale du contact.

Volta, observe que dans les expérimentations de Galvani il est nécessaire d'humidifier avec de la salive ou du sang les contacts entre le nerf et le muscle, il formule l’hypothèse que non seulement les métaux mais aussi les "conducteurs humides" peuvent produire de l'électricité.

"C’est la diversité de conducteurs qui est nécessaire indépendamment du fait qu'ils soient soient métalliques ou humides". Jusque là cependant, Volta, même s'il a réussi à réinterpréter toutes les expériences de Galvani, n’a pas produit de nouveaux éléments, ni n’a pu se soustraire à l’idée qu’un corps organique (grenouille, langue) puise être le révélateur d’une très faible électricité, mise en jeu par le supposé contact hétérogène entre conducteurs.


Volta : 1797. L'électromètre condensateur.

Volta élimine la nécessité d'employer la grenouille comme détecteur, il la remplace par le condensateur électromètre, qu'il venait juste d’inventer, cet appareil permet de mesurer de très petites quantités de charges. Il montre le déséquilibre du fluide électrique par effet du contact entre deux métaux différents.


Galvani : 1797, mémoire à Spallanzani (1)

En 1797, Galvani dédie à Lazzaro Spallanzani, les "Mémoires sur l'électricité animale", ce dernier est un des scientifiques majeurs de l'époque et partisan de l'électricité animale. Dans ce texte sont rapportées, entre autre, les recherches sur la torpille conduite par Galvani sur la côte adriatique deux ans auparavant. Galvani rapporte une dernière expérience (considérée par Du Bois-Reymond (2) comme l’expérience fondamentale de l'électrophysiologie), dans laquelle le contact est obtenu en reliant les deux cuisses de grenouille uniquement grâce aux nerfs cruraux, ainsi, il élimine l'hétérogénéité des différents tissus.

Le grand historien des sciences John L. Heilbron, raconte l'expérience "... la grenouille étant réduite à deux pattes séparées, chacune dotée de son propre nerf coupés du tronçon spinal, Galvani a plié l’un des nerfs en forme d’arc et, avec un bâton de verre a déplacé l'autre afin qu’il croise le premier en deux endroits. Alors la jambe fixée au deuxième nerf s’est contracté."

Galvani, cette même année 1797, réaffirme les différences avec Volta : "Il veut que cette électricité soit commune à tous les corps ; pour moi, elle est particulière et propre à l'animal ; il pose que la cause du déséquilibre est dans les artifices que l'on adopte, et principalement dans la différence des métaux ; moi, dans la machine animale ; lui, il juge telle cause accidentelle et extrinsèque ; moi, naturelle et interne ; lui, en somme, attribue tout aux métaux, rien à l’animal ; moi," l'inverse !


Volta : 1799, la pile.

A la fin de 1799, au fil d’étapes non encore clarifiées, Volta invente l’instrument qui le rendra célèbre, la pile.

Il en donne une description en deux versions, en couronne de tasses, et à colonne.

La batterie ou la "pile" de la Volta est le premier moteur électrique "permanent", c’est-à-dire appareil capable de fournir un courant continu une fois inclus dans un circuit fermé. Volta lui-même l’a décrite dans une lettre qu'il a écrit pour la faire connaître : "elle se compose d'une série de morceaux cuivre ou mieux, de disques argentés, plaçés l'un sur l'autre et en alternance avec des disques d'acier, ou mieux, de disques de zinc, entre chaque paire de disques en métal il y a un disque de carton (ou d'autre chose) imbibé de sel ou d'eau acidulée."

Dans la première version, à une extrémité de la pile, Volta a ajouté un récipient contenant de l'eau salée ou acidulée. Ce qui a permis une mettre la main dedans et faire des expériences parfois très curieuses. Pour expliquer comment fonctionne la pile et les phénomènes électriques et chimiques. Volta a insisté sur les contacts bimétalliques et, bien qu'il ait observé des effets chimiques, il propose une explication électro-métallique plutôt que chimique.

Le succès de l'instrument fut évidemment extraordinaire, et nous pouvons dire aujourd'hui, durable. Bonaparte, membre de l'Institut, récompensa Volta solennellement, en 1801.


Le débat Galvani-Volta : Chronologie

Donc, cette affaire peut être schématisée de la manière suivante :

(1) Lazzaro Spallanzani était un moine et un physiologiste italien (Modène, 1729 - Pavie, 1799). Il réfuta la théorie de la génération spontanée et étudia les mécanismes de la reproduction, en particulier il montre l'importance du sperme dans la reproduction des mammifères. Il faut signaler qu'il étudia le rôle du sperme lors de la fécondation des grenouilles. Il prouva que la fécondation se faisait de manière externe en posant une culotte aux grenouilles mâles ! Ainsi les oeufs relâchés dans l’eau par la femelle et aspergés par le sperme mâle se développaient en têtards alors qu’aucun des œufs n’étaient fécondés par les grenouille culottées.

.(2) Emil Du Bois-Reymond (1818-1896), physiologiste allemand qui introduisit l'usage de l'électricité dans la physiologie expérimentale.
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