Mercredi 25 avril 2001

Malia - Lassithi

Nirou Chani

Restaurant Kronio

Malia

Moni Kera Kardiotissa

Plateau de Lassithi

Hôtel Mirabello

Nouveau jour, nouveau départ, nouvelles découvertes. Dès notre réveil, l'hôtel Galaxy bourdonne d'activités. Allées et venues dans le hall où se croisent les touristes pressés. La rumeur de la ville nous accompagne jusqu'au car, notre maison roulante. Chacun y a ses habitudes et s'installe comme chez soi. Notre périple du jour nous emmènera jusqu'à Haghios Nikolaos, sur la côte occidentale de l'île, joli port ancré dans le golfe Merambellou, aujourd'hui station balnéaire appréciée, où nous attend l'hôtel étape, Mirabello, le bien nommé. Nous ne serons pas déçus par sa "belle vue", par ses jardins et sa végétation exotique. Mais l'heure n'est pas au prélassement. L'oasis de l'hôtel, planté au bout de l'île est encore un mirage. Nous traçons la route qui part d'Héraklion, pour nous conduire au palais de Malia, ancré dans la baie de Chersonissos. L'après-midi, nous gravirons la pente qui mène au plateau de Lassithi. La visite du couvent Kera Kardiotissa est au "menu" de la journée. Copieux programme que nous dégusterons peu à peu.

Première pause sur le site de Nirou Chani. En principe fermé au public, il nous sera accessible grâce au sésame budiste. Un gardien nous ouvre les portes du lieu enclos. De beaux arbustes en fleurs égaient les vestiges de la villa minoenne, qui s'étend sur plus de 800 mètres carrés.

Les archéologues ont exhumé d'énormes doubles haches, des cornes de consécration, ainsi que des trépieds empilés. La mer est proche de la villa où l'on stockait, sans doute, des objets exportés. Cette courte visite matinale, aux anciens Minoens de Nirou Chani nous a bien mis en jambes.

Dans le car, Andreas évoque le culte rendu à la déesse de l'enfantement Eileithyia, déesse-mère vénérée depuis l'époque néolithique (3 000 av. J.-C.). Fille mythique de Zeus et d'Héra, mère d'Éros elle avait son sanctuaire dans la grotte appelée caverne aux nymphes, où l'on trouva nombre d'objets votifs dont une curieuse figurine au ventre proéminent. Culte rendu à la femme, à la mère éternelle, Gé, Gaïa, plus tard, Marie, mère de Jésus. Nous retrouverons la déesse dans les murs de Malia.

Le car longe la baie de Chersonissos bordée de plages de sable fin qui se succèdent jusqu'au centre archéologique où nous arrivons, prêts à nous baigner dans l'ambiance caractéristique des sites minoens que nous commençons à connaître.


Voir : "Minoan Megaron at Nirou Chani" (en anglais)

La mythologie associe le site de Malia à Sarpédon, souverain de la région, fils de Zeus et d'Europe.

Selon certaines légendes, Sarpédon, aurait eu, en partage, une région de Crète comme ses frères Minos et Rhadamante.

Zeus l'immortel laissa bientôt, sur terre, Europe et ses trois fils. La mortelle délaissée épousa Artémios, le prince régnant de Crète, qui recueillit ses fils promis à l'héritage. Mais Minos, l'aîné, le prince aimé des dieux, voulut pour lui tout seul le titre d'héritier. Il réclama le trône du royaume crétois (on sait qu'il fut le protégé de Zeus et de Poséidon, avant de déchaîner la fureur du souverain des mers) Les droits au trône de Minos furent reconnus par tous, sauf par Sarpédon qui réclama sa part. Minos le chassa, l'exila hors de l'île. L'on dit qu'il put gagner la Cilicie, pays d'Asie Mineure, dont il fut bientôt roi. Commence une autre histoire… quoiqu'il en soit son nom reste attaché au site de Malia, mais la toponymie du lieu n'y fait guère allusion.

D'abord, nous examinons le palais à partir du terre-plein situé devant l'ancienne maison des fouilles. La végétation de printemps qui décline toutes les nuances de vert, du clair au plus foncé, flatte et met en valeur la couleur rouille ocrée des pierres, les dalles de grès clair cernées de rouge (ammouna). Les tons chauds des murets remontés, la verdure des grands arbres peints sur le bleu du ciel, les fleurs rouge-écarlate des buissons dispersés, tout concourt à la beauté frappante de ce lieu ordonné qui nous invite à la promenade. Le meltémi est rentré dans la grotte des vents. Temps délicieux.

Tous les bâtiments (maisons et quartiers) portent les lettres de l'alphabet grec choisi comme système d'identification. Nous irons dans le livre ouvert de ce géant abécédaire au milieu des alphas, suivis par des bétas et des gammas, jusqu'au quartier du nu. Les panneaux indicateurs de chaque lieu répertorié se lisent en grec, en anglais mais aussi en français, nous rappelant le rôle qu'a joué l'école française d'Athènes. Celle-ci s'est illustrée dans les fouilles archéologiques de ce site prestigieux, l'un des plus beaux de Crète avec Knossos et Phaistos. C'est un plaisir de retrouver les mots de notre langue, d'imaginer surtout les Français explorant les vestiges à la suite du professeur Hazzidadis, directeur du musée archéologique d'Héraklion. C'est lui qui associa les membres de l'école française, à ses travaux. Les noms de Charles Picard, Renaudin, Charbonneaux et Chapouthier (l'un des budistes, André Lingois s'honore d'avoir eu ce dernier comme professeur de Grec) nous rappellent que ces archéologues ont participé activement aux fouilles et à la présentation actuelle du site.

L'histoire de Malia épouse les mêmes phases de construction telles qu'on les repère à Phaistos, Knossos et Gournia. Nous retrouvons, avec plus de facilité au fil des visites guidées, sur des sites du même type, les caractéristiques de l'architecture minoenne.

Grande cour centrale rectangulaire bordée, au nord, d'un portique à colonnes qui mène à une salle hypostyle. Cour flanquée, à l'est, d'une série de magasins où l'on remarque un dispositif de rigoles pour récupérer les liquides. Au centre de la cour, un autel creux que l'on imagine réservé aux immolations d'animaux. À l'opposé de l'autel, côté ouest, s'ouvrait une grande salle avec portique servant de lieu de culte. Andréas dirait : "C'est très théorétique". On retrouve ici les formes typiques de l'architecture palatiale : des pièces appelées polythyron qui s'ouvraient sur plusieurs côtés. Leurs baies multiples donnaient sur des puits de lumière. Les marches d'un escalier monumental, dont quatre sont conservées, pouvaient servir de gradins aux Minoens, spectateurs des fêtes rituelles qui animaient l'espace central : processions, sacrifices et taurokatapsis, rythmaient les saisons et les jours.

Un peu surélevé par rapport à la cour, on remarque un Kernos (pierre à cupules). Les petites coupelles bien dessinées recevaient les offrandes à la déesse de la fertilité Eileithyia. Les commentaires d'Andréas sur cet objet curieux, unique en son espèce, nous intéressent tous. Vers l'aile nord, nous empruntons un grand escalier qui mène à la salle du trône. À l'arrière, un escalier descend vers le trésor. On y a découvert une hachette royale, magnifique spécimen de l'art minoen (1 600 av. J.-C.). Le sculpteur s'est plu à graver volutes et entrelacs qui animent la pierre schisteuse en forme de panthère, lui conférant une sorte de plasticité. De gros piliers gravés de la hache bipenne se dressent à l'intérieur d'une crypte dallée. Un long couloir nous mène vers un labyrinthe de salles : appartements royaux, mégarons s'ouvrant sur trois côtés ; un escalier plonge dans un bassin à lustration.

L'aile nord du palais renferme les magasins, les ateliers remplis des pithoï où l'on conservait le grain et l'huile d'olive. En arrivant par la cour ouest, nous avons vu, sur notre droite, deux rangées de quatre énormes silos à grains.

Nous avons, sous les yeux, le type-même des édifices palatiaux-crétois avec leur succession de salles : celles de réception et d'apparat, d'autres résidentielles ou réservées aux installations cultuelles, puis une série de magasins et d'ateliers. Comme à Knossos, nous pouvons imaginer la ville reconstituée : l'empilement des blocs, l'asymétrie des façades, le "cubisme" des formes qui résulte des toits en terrasse ; terrasses hérissées des doubles cornes, symboles du taureau protecteur de la Crète.

Les trouvailles des fouilles de Malia sont riches et importantes : par exemple, l'épée royale de l'acrobate ; le corps arqué de l'athlète dont les pieds touchent la tête garnit le pommeau de l'épée où il inscrit sa forme parfaite et fuselée. Splendide objet mis à jour par F. Chapouthier. Autre objet exemplaire : le fameux pendentif aux abeilles, sans doute le plus beau des bijoux minoens (1 500 av. J.-C.). Il est d'une grâce exquise ; deux abeilles stylisées, dans un doux tête à tête, versent une goutte de miel dans un rayon, sorte de réticule doré au grenetis menu et délicat. Deux médailles rondes, dorées comme du miel, pendent des ailes déployées, une troisième se suspend à la jonction des abdomens serrés. Une sorte de couronne coiffe les têtes minuscules des sœurs abeilles blotties sous ce dais lumineux. Nous l'avons admiré, mis en valeur dans une vitrine du beau musée d'Héraklion. Il nous rappelle l'habileté prodigieuse des orfèvres crétois. Avant de quitter cet endroit plein de charme, n'oublions pas de saluer le tour de main des maîtres potiers de Malia, qui fabriquaient les pithoï, ou grandes jarres de tradition spécifiquement crétoise. Reconstitués et mis en place, ils ont belle allure contre un mur du palais.

Adieu beau palais de Malia… Loin de la reconstitution hasardeuse de Knossos, il m'a paru plus éloquent, dans ses vestiges mis à nu sobrement, que le décor hollywoodien du palais de Minos.


Les fouilles du Palais de Malia ont été réalisées par l'École Française d'Athènes. Le travail des archéologues est consultable par ici.

D'un site à l'autre, d'un siècle à l'autre, nous chevauchons le temps. Le car est comme un sas qui permet le passage d'un univers à l'autre. Encore pris dans le monde des anciens Minoens, nous quittons le baie de Chersonissos et gravissons la route sinueuse qui monte vers le plateau de Lassithi où se niche un monastère que nous visiterons.

Avant le village de Krasi, nous atteignons le Monastère de Kera Kardiotissa ou Vierge de la Tendresse. Ce monastère juché à 630 mètres, haut dans les montagnes de Dikte, offre une vue superbe sur la vallée Pediada qui confine à la mer. Lieu de culte très ancien (deuxième période byzantine du Xème au XIIème siècle), il reçoit aujourd'hui des religieuses consacrées à la Vierge Marie.

Deux côtés de l'église sont percés de petites verrières formant des arches bordées de briques. Deux autres côtés présentent des fenêtres aveugles. Au bord du toit de la façade principale, se dresse un pan de mur rajouté, troué d'une double arcade où pendent les cloches prêtes à sonner les heures canoniales. Des cyprès sombres montent la garde autour de l'édifice. On dirait de grands cierges qui tordent leurs flammes vertes sur le ciel clair de ce jour de printemps.

La cour terrasse est un balcon ouvert sur des lointains baignés de lumière douce. Auprès de nous, glissent les ombres silencieuses des sœurs vêtues de noir. Les fleurs, à côté d'elles, paraissent plus éclatantes. Des senteurs parfumées nous entourent jusqu'au seuil de l'église.

À l'intérieur de l'édifice, brille une très belle iconostase. Nos yeux se font à la pénombre. Le génie propre au lieu de cet enclos mystique nous gagne peu à peu. Nous admirons les fresques du XIVème siècle et d'anciennes icônes. Parmi elles, la Kardiotissa dont nous ne verrons aujourd'hui que la copie réalisée au XVIème siècle. Ce chef d'œuvre fut volé au XVème siècle. On dit qu'un marchand, que les scrupules n'étouffaient pas, la déroba et l'emporta à Rome où il se rendait pour affaires. De nos jours, on peut donc contempler cette icône orthodoxe sur la colline de l'Esquilin, dans l'église catholique, San Alfonso où les fidèles la vénèrent en tant que Vierge du Perpétuel Secours. Pour l'instant, nous avons sous les yeux la belle icône, copie peut-être, mais vénérable puisqu'elle date de quatre siècles. Sur un fond d'or son regard triste pèse sur le spectateur. Sa paume ouverte reçoit la main de l'Enfant-Dieu qui détourne la tête, comme happé par la vision soudaine de ce que nous ne pouvons voir. Le visage marial austère et grave, propre au canon du style des icônes byzantines, exprime la compassion pour son Fils et pour l'humanité. Vierge de la Tendresse ou Secourable, elle nous insuffle une énergie secrète, le désir d'un monde plus apaisé et fraternel.

Nous quittons ce vaisseau tranquille ancré au flanc de la montagne, enclins à la sérénité. Notre coursier docile nous mène sur les chemins de Lassithi.

La taverne Kronio à Tzermiado, capitale du Lassithi, nous laisse un bon souvenir. La femme de Vassili, le tavernier est une orléanaise, Christine Fanichet, amie de la fille d'un couple de budistes : Daniel et Claudie Cuisiat. C'est aussi l'ancienne élève de Michel de La Fournière, mari de Thérèse, notre compagne de voyage. Accueil chaleureux. Excellent repas bien arrosé. Promenade digestive dans les rues commerçantes de la ville.

Le plateau de Lassithi est cerné de montagnes. Le fameux Mont Dikté, berceau sacré de Zeus enfant culmine à 2 148 mètres. La vaste plaine, située en altitude déploie son paysage cultivé en vergers. Les orchidées sauvages (80 espèces répertoriées) y fleurissent en mars où elles attirent spécialistes et amateurs. Leur floraison est déjà terminée lorsque nous traversons le jardin potager de la Crète.

Sous l'occupation vénitienne, des travaux d'irrigation ont fait, de ce plateau, une plaine fertile aux produits réputés. Les éoliennes ont longtemps fait partie du paysage "lassithien" ; leurs ailes gracieuses papillonnaient sur le ciel bleu. La Crète en a compté jusqu'à 10 000. Elles sont remplacées, peu à peu, par des pompes à moteur, nettement moins bucoliques...

Au soir de cette longue journée, nous arrivons au port d'Haghios Nikolaos. Nous traversons rapidement les rues effervescentes de cette station très à la mode. Notre hôtel Mirabello, nous attend à quelques kilomètres du centre-ville. Les chambres s'ouvrent sur la mer, la plage, les jardins étagés du complexe hôtelier qui mérite notre approbation unanime. Bonsoir, il est temps de dormir…

En cliquant ici vous pouvez voir une présentation, qui ressemble fort à une publicité, de cet hôtel.


©cviviani