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Dans cet ouvrage épistolaire, elle nous convie à une promenade en Vénétie. La fraîcheur et la grâce de ses descriptions rendent la lecture de ces lettres absolument délicieuse. Le point de départ de cette correspondance fictive où elle endosse lhabit masculin, est son désir de communiquer avec Musset. Elle sen explique au poète, dans sa correspondance privée : Ces Lettres, pour parler tout haut de ma tendresse pour toi et pour fermer la gueule à ceux qui ne manqueront pas de dire que tu mas ruinée et abandonnée " George et Pietro quittent la ville pour un voyage touristique, selon un itinéraire fixé à lavance par Pagello. Celui-ci écrit dans son journal Da Parigi a Genova : Je proposai à George Sand un petit voyage dans les Alpes de Trévise et pour première halte je la conduisis à Castelfranco, à la maison de mon Père qui me reçut sèchement, mais il accueillit George Sand avec lhospitalité la plus courtoise et la plus aimable. Ils causaient littérature, arts, fleurs, et moi qui observais le bon vieillard, je le voyais petit à petit se dérider Le périple commence bien pour George qui rencontre un succès destime auprès de Pagello-père. Ce fut un beau voyage pour George, une nouvelle fois énamourée !. Elles sont loin les nuits vénitiennes au chevet dun malade, les scènes, la jalousie ! George Sand a retrouvé toute sa vigueur. Elle découvre enfin le visage souriant de lItalie incarnée magnifiquement par Pietro, toujours prêt à satisfaire son moindre caprice. Elle découvre avec lui, le plaisir de la flânerie, du farniente qui est tout un art de vivre, comme le savent les Italiens. Ils atteignent Vicenza puis sacheminent vers Bassano. Cest dans cet état desprit de flânerie amoureuse que lécrivain compose sa première Lettre dun voyageur. Puisquelle sadresse à Musset, elle prend soin de préciser que le promeneur, son alter ego, est solitaire Jétais arrivé à Bassano à neuf heures du soir Je méveillai au lever du jour et je vis à ma fenêtre, sélever, dans le bleu vif de lair, les créneaux enveloppés de lierre de lantique forteresse qui domine la vallée. Je sortis aussitôt pour en faire le tour et pour massurer de la beauté du temps. Je trouvai le docteur assis sur une pierre perdu dans les nuées de son tabac Il me proposa daller déjeuner à une boutique de café sur les fossés de la citadelle Jy consentis. Je te recommande, si tu dois revenir par ici, le café des Fossés à Bassano, comme une des meilleures fortunes qui puissent tomber à un voyageur ennuyé des chefs-d'uvre classiques de lItalie. Le pittoresque de la ville de Bassano frappe George Sand. Elle constate aussi que : "les maisons de la ville sont encore toutes criblées de nos balles et de nos boulets. Cest très glorieux pour nous, mais fort triste pour ces campagnes si belles et que nous avons ruinées " Elle fait bien sûr allusion à la campagne dItalie, menée par Bonaparte. Les armées victorieuses ont laissé des blessures visibles encore dans le tissu urbain et les paysages quelle traverse. On sent chez elle cet élan de sympathie qui la pousse vers lItalie blessée. Tous deux quittent Bassano et marchent à pied, vers Oliero, en remontant le cours de la Brenta. George, grisée par le parfum de ces espaces sauvages, grisée sans doute aussi par la présence de son amant, dépeint sa promenade comme autant de moments merveilleux. Nous avons déjeuné sur un tapis de gazon semé de primevères avec du café excellent, du beurre des montagnes et du pain anisé. ( ) Le murmure de la Brenta, un dernier gémissement du vent dans le feuillage lourd des oliviers, des gouttes de pluie qui se détachaient des branches et tombaient sur les rochers avec un petit bruit qui ressemblait à celui dun baiser, je ne sais quoi de triste, de tendre, était répandu dans lair et soupirait dans les plantes " La nature vit et respire auprès delle comme un être sensible, amoureux. Les deux amants arrivent à Oliero, après 10 heures de chemin, à pied. Cest un joli hameau, célèbre pour ses trois grottes dont celle de Parolini. George écrit dans la première Lettre du voyageur : "Jétais épuisé de fatigue en arrivant à Oliero Je métendis sur le gazon à lentrée de la grotte et je my endormis. Mais les aboiements dun grand chien noir me réveillèrent bientôt. Cette heure de sommeil avait suffi pour me faire un bien extrême. Mes pieds étaient désenflés, ma tête libre. Je me mis à examiner lendroit où jétais ; cétait le paradis terrestre, cétait lassemblage des beautés naturelles les plus gracieuses et les plus imposantes Figure-toi un angle de la montagne couvert de bosquets en fleur. ( ) Trois grottes dune merveilleuse beauté pour la forme et les couleurs du roc occupent les enfoncements de la gorge. Lune a servi longtemps de caverne à une bande dassassins ; lautre recèle un petit lac ténébreux que lon peut parcourir en bateau et sur lequel pendent de très belles stalactites. Mais cest une des curiosités qui ont le tort dentretenir linutile et insupportable profession de touriste. Il me semble déjà voir arriver, malgré la neige qui couvre les Alpes, ces insipides monotones figures que chaque été ramène ( ) véritable plaie de notre génération qui a juré de dénaturer par sa présence la physionomie de toutes les contrées du globe, et dempoisonner toutes les jouissances des promeneurs contemplatifs, par leur oisive inquiétude et leurs sottes questions. La modernité du propos fait de George Sand lun de nos contemporains quaccable aujourdhui la frénésie touristique qui saisit lhomme moderne. La troisième grotte fait les délices de la jeune femme. Elle se contemple dans le miroir de la source et aperçoit une figure pâle qui lui fait peur. Cest la sienne empreinte damertume. Frissonnante, elle sort de la grotte. Noublions pas que cette Lettre sadresse à Musset et quelle feint dêtre seule lors de sa randonnée pédestre. Pagello, lui, en donne une autre version sans doute plus proche de la réalité. Il consigne dans son Journal : "Nous allâmes visiter la grotte de Parolini où George Sand enthousiaste, écrivit mon nom et le sien sur un talus couvert de varechs qui cédèrent à la pointe de son ombrelle." Véritablement inspirée par cette nature sauvage et accueillante, la convalescente glisse dans leuphorie : Le ciel était si pur, latmosphère si bienfaisante, le vallon si beau la vie circulait si jeune et si vigoureuse dans cette riche nature printanière, que je me sentis peu à peu renaître." Elle se sent jeune et vivante comme la nichée de rouges-gorges babillant, le vol rapide de lhirondelle, le cyclamen, la sauge dont elle emporte le parfum. Le couple arrive bientôt en vue de Possagno, berceau natal de Canova, le sculpteur à la mode quelle évoquait souvent avec Musset pour louer son talent. Elle constate la beauté des habitants que Canova a observés. Les jeunes filles au teint frais et éblouissant, ont généralement une expression de douceur et de naïveté qui, reproduites sur des formes plus délicates a pu inspirer à Canova la délicieuse tête de Psyché". George Sand exprimera son admiration pour le peuple italien. Pourquoi les Italiens naissent-ils en quelque sorte avec le sentiment du beau ? Pourquoi un maçon de Vérone, un petit marchand de Venise, un paysan de la campagne de Rome aiment-ils contempler les beaux monuments ? Pourquoi comprennent-ils les beaux tableaux, la bonne musique ? Elle se sent devenue italienne celle qui sera la bonne dame de Nohant, inséparable de son Berry natal. Elle aime le temple de marbre blanc, dédié à Canova qui couronne le hameau de Possagno. Tout est beau, tout est bon à ses yeux, jusquà Asolo. Dans ces dispositions heureuses, ils gagnent Trévise grâce à un moyen de locomotion couleur locale : un char traîné par quatre ânesses. Ils sinstallent à côté de chevreaux bêlants quun montagnard conduit au marché de Trevise. On imagine le plaisir de la romancière, lamie des bêtes. Jarrivai à Trevise le lendemain matin, après avoir dormi fraternellement avec les innocentes bêtes qui devaient tomber le lendemain sous le couteau du boucher. Cette pensée minspira pour leur maître une horreur invincible et je néchangeai pas une parole avec lui durant tout le chemin. |
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