Il retrouve Paris où il prépare son avenir décrivain et de séducteur, tout ce quil faut pour la chasse au bonheur. Il shabille en dandy, apprend langlais pour lire Shakespeare dans le texte
Il se met à écrire des comédies qui ne verront jamais le jour, samourache dune actrice, Mélanie Guibert, la suit à Marseille, sessaye aux affaires quil rate, sennuie, se lasse de Mélanie qui laime trop puis revient à Paris désuvré, en quête de quelque chose qui ne vient pas. Que faire ? Le cousin Daru, intendant général de la grande armée napoléonienne, futur ministre, pourra-t-il pardonner les foucades de son protégé ? Le grand-père Gagnon, toujours son bon génie, intercède auprès de lui. Voilà notre héros remis en selle, de nouveau au service de Napoléon.
Bientôt il court sur les routes dEurope. Nommé intendant des domaines de lempire, il sentend appeler Monseigneur. Quel délice de vanité ! Il prend feu pour sa cousine, la femme de Pierre Daru. Alexandrine lui offre sagement son amitié. Beyle est renvoyé à Paris. Cest lapogée de sa carrière, sa période de splendeur : il dépense sans compter, appartement, équipage, jolies grisettes
Nommé Auditeur au Conseil dÉtat puis inspecteur du mobilier et des bâtiments de la Couronne, il rencontre Vivant Denon, le premier organisateur du musée du Louvre.
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Le bain de Léda
Le Corrège
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Cest ainsi quil sinitie à la peinture et reçoit la révélation du Beau pictural à travers Le Corrège, peintre italien du XVIème siècle né près de Parme. Cette admiration pour lartiste quil place au panthéon de ses grands hommes, le rapproche dAngela quil noublie pas ; toujours amoureux de son rêve malgré les consolations bien tangibles quil trouve auprès dAngelina Bereyter. Cette aimable cantatrice vient à son domicile parisien lui chanter des airs italiens sans parvenir, pour autant, à sen faire aimer. Lidéal féminin de son amant se trouve affiché sur un mur de la chambre. Cest la Léda du Corrège quil adore. Les figures féminines de lartiste italien lui donnent la sensation de grâce voluptueuse quil recherche avant tout. Le visage exquis de Léda qui joue avec le cygne au sortir de son bain, lattire et lui rappelle la belle Milanaise. Angélina pâlit sans doute de la comparaison.
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Stendhal, le "chinois"
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LItalie dans le cur et lâme insatisfaite, lAuditeur au Conseil dÉtat court sur les traces dAngela. Il arrive à Milan le 29 août 1811 , car, proclame-il : Il me faut aimer et être aimé, ce bonheur dhabit et dargent ne me suffit pas. Il frappe à la porte de Mme Pietragrua, magnifiquement laid, le feu dans le regard. Angela sécrie : Il Chinese, le Chinois (ce portrait ci-contre permet de comprendre ce surnom). Il lui rappelle son amour juvénile, conservé pendant 10 ans : Non pas de fidélité mais de constance admet-il. Elle se montre accueillante, sans doute flattée. Le jeune adolescent, mort de trac devant elle, est devenu un personnage important : un titre, de largent, une flamme entraînante, Angela sent quelle peut chavirer dans ses bras. Et : La Sibylle sublime, terrible de beauté surnaturelle (cest ainsi quil en parle), la veille de son départ, laisse le Chinois remporter sa victoire. En témoigne le bulletin du vainqueur, quelques mots laconiques écrits sur ses bretelles : 21 septembre 1811, 11 heures et demie du matin. La vie est belle ! Après quoi, Angela se presse de lexpédier en voyage mais il se croit aimé.
Monsieur lInspecteur des bâtiments de la Couronne voyage en Italie. "Quand on a du cur et une chemise, écrit-il, il faut vendre sa chemise pour voir les environs du lac Majeur, Santa Croce à Florence, Le Vatican à Rome et le Vésuve à Naples. Il visite Bologne, Parme, Florence, Venise, Rome, où il rencontre Canova, sculpteur célébrissime à son époque, Naples, dont il écrit : cest sans comparaison, à mes yeux, la plus belle ville de lunivers" Il fréquente le théâtre San Carlo, autre temple de la musique dont il admire les fastes de larchitecture. Il découvre la peinture italienne Les divines madones du Corrège et de Raphaël ; la peinture du Titien : la vérité de la couleur. Celle des peintres de lécole de Bologne, "la perfection dans la peinture". Il commence à écrire une Histoire de la peinture en Italie quil dédie primitivement à Angela.
Il aime vivre à Milan mais son congé expire, il doit regagner Paris et suivre lEmpereur. Le 23 juillet 1812, il part pour la Russie derrière la Grande Armée. Il voit lincendie allumé dans la ville de Moscou, la débâcle annoncée et larmée en déroute. Il traverse à temps les ponts de la Berezina, fait son devoir en dépit des conditions atroces. Lamoureux des Beaux-Arts, de la dolce vita, avait du cran. Il engrange des souvenirs et laisse à ses héros le soin de faire vivre lépopée. Fabrice del Dongo dans La Chartreuse de Parme, jeune civil déguisé en soldat, prend part à la bataille de Waterloo.
Quant à lui, épuisé, malade, il échoue à Paris en 1813. Lannée suivante, cest la chute de lEmpire. La Restauration met fin à sa carrière. Fini les ambitions, fini les rêves de luxe ! Il a 31 ans. Je suis tombé avec Napoléon, écrit-il, culbuté de fond en comble. Pour vivre, il rédige à coups de plagiat, son premier livre, les Vies de Haydn, Mozart et Métastase, presquheureux de renoncer aux fastes de la vie mondaine. Je suis blasé de Paris
Jétais bien dégoûté du métier dAuditeur et de la bêtise insolente des puissants. Doit-on le croire ? Écrivain dans lâme, il na pas encore trouvé la forme littéraire dans laquelle il excellera, le roman et doit écrire à la hâte, pour survivre des ouvrages critiques, des compilations.
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