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La Sibylle de Guido Reni
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Un jour, à Florence, le 22 janvier 1817, il visite léglise Santa Croce, le Panthéon florentin comme on lappelle ; il demande à voir les fresques de Baldassare Volterrano, peintre du XVIIème siècle. Là, assis sur le marche pied dun prie Dieu, la tête renversée et appuyée (sur le pupitre du siège) pour pouvoir regarder au plafond, les Sibylles de Volterrano mont donné peut-être le plus vif plaisir que la peinture mait jamais fait ; elles avaient cette grâce qui, jointe au grandiose, me rend sur le champ amoureux. Jétais dans une sorte dextase, par lidée dêtre à Florence et dans le voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tombeaux. Absorbé dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près, je la touchais pour ainsi dire. Jétais arrivé à ce point démotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux-Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, javais un battement de cur. La vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. Je me suis assis sur lun des bancs de la place
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Voilà bien décrit ce que lon appelle aujourdhui, le syndrome de Stendhal, en hommage à lécrivain français qui, le premier, en accusa les symptômes. Vous avez sous les yeux la Sibylle de Guido Reni (1575-1642), ce peintre de lécole de Bologne, dont Stendhal disait quil peignait la beauté céleste dans ses figures de femmes. On dit quà Florence, chaque année, des dizaines de touristes sont frappés dun malaise subit devant une uvre dart
Peut-être lavez-vous expérimenté ?
Quant à Stendhal, la beauté lui donne le vertige, il aime cette sensation de trouble, de dérèglement sensoriel. Pour lui, est beau ce qui plaît et donne envie daimer, doù sa formule : La beauté est une promesse de bonheur. Henri Beyle est un sensualiste. Il veut quun tableau le touche, comme la musique. Raphaël et Le Corrège lui donnaient :
des émotions douces et voluptueuses du genre de celles quil demandait à la musique." Mérimée, ironique, écrit que son ami Beyle : prête des passions dramatiques à une Vierge de Raphaël. |
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La voilée de Raphaël
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Narcisse de Caravage
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Le peintre italien Le Caravage (mort en 1610) le touchait au plus vif. Il sut voir et reconnaître son génie, à une époque début du XIXème siècle où cet artiste était quasiment ignoré : Le Caravage était probablement un assassin, mais je préfère cependant ses tableaux aux croûtes de M. Greuze, si estimable ! Que mimporte les qualité morales dun homme qui par ses vers, sa musique, ses couleurs ou sa prose prétend, peut mamuser ! Débat toujours ouvert. Voici une reproduction dune uvre de jeunesse du Caravage Narcisse se mirant dans leau, tout comme Stendhal quêtant sans cesse sa propre image, dans le miroir de son écriture transparente, si personnelle. |
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La Scala - estampe représentant
la salle au XIXème siècle
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Bientôt il vivra, sur le mode dramatique, sa plus forte passion amoureuse qui naîtra, comme pour Angela, en Lombardie, dans la cité milanaise. À Milan, chaque soir, Stendhal senivre de musique et de ballets. Son cur est vide mais les loges de la Scala sont bien remplies. Écoutons-le : Le théâtre de la Scala est le salon de la ville. Il ny a de société que là Nous nous verrons ce soir à la Scala se dit-on pour tout genre daffaires
Rien de plus doux, de plus aimable, de plus digne que les murs milanaises. Chaque femme est en général, avec son amant. Le cavalier servant de la dame fait ordinairement apporter des glaces, des sorbets. Il y a trois sortes : gelati, crepe, pezzi duri. Cest une excellente connaissance à faire.Stendhal y rencontre Lord Byron, un soir doctobre 1816 et croque un portrait flatteur de lécrivain, larchange du Romantisme. Cest une figure céleste. Il est impossible davoir de plus beaux yeux. Ah ! Le joli homme de génie
Stendhal prend plaisir à le mystifier en lui racontant des anecdotes imaginaires sur Napoléon. L'humour naturel de Stendhal, que gobe le noble lord médusé, faisait merveille, paraît-il.
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