Stendhal

(1783-1842)

Un amoureux de l’Italie


Consul de France

Le voilà à Trieste, froid rivage de l’Adriatique, débouché principal de l’Autriche. Mais l’Italie qu’il a toujours au cœur, plus que jamais puisqu’il est aimé de Giulia, n’est plus le pays de ses rêves. Il se sent exilé dans cette ville, sous mandat autrichien. Arrivé le 25 novembre 1830, tout de suite il se plaint de la Bora, cette espèce de mistral “abominable”. Il s’installe d’abord à l’auberge Acquila Nera et note avec sa concision habituelle : ”toute ma vie est peinte par mon dîner. Mon haut rang exige que je dîne seul. Premier ennui. Second ennui : on me sert douze plats. Je crève d’ennui.” Le ton est donné. L’amoureux de la belle Italia vivra ses fonctions consulaires comme une corvée, une défaite. Mal vu à Trieste, la bonne société locale l’ignore Il attend l’exequatur — autorisation d'exercer ses fonctions — du gouvernement autrichien persuadé du caractère dangereux de ses principes politiques. Trois de ses ouvrages ont été censurés (Histoire de la peinture en Italie, Rome, Naples et Florence — 1817 et 1827 — et les Promenades dans Rome).

Venise et le lion de Carpaccio
Aussi, laisse-t-il souvent cette ville peu hospitalière pour s’installer à Venise, au cours de l’hiver 1830-31. (Vous avez sous les yeux, la Piazzetta et le palais des doges en restauration, photo faite en 2001. Sur la toile recouvrant les échafaudages, vous reconnaissez le lion de Saint Marc, peint par Carpaccio). Stendhal aime les Vénitiens depuis le premier séjour qu’il fit chez eux en 1817. Il adore : “leur amabilité folle”. Chez eux écrit-il : “tout est sous-entendu, vif, joyeux, allègre. Le fils du Doge est aussi gai que le gondolier." Stendhal aime cette ville : “la plus civilisée de l’Europe”, mais il ajoute : “j’abhorre Bonaparte de l’avoir sacrifiée à l’Autriche”. Cet hiver-là, sa présence préoccupe les autorités autrichiennes. Le directeur général de la police de Lombardie le signale “comme un sujet très dangereux, auteur de toutes sortes d’œuvres les plus pernicieuses”. Ni sa conduite, ni ses discours ne plaisent. Metternich, Chancelier d'État autrichien, refuse l’exequatur à cet homme peu maniable, qui scandalise les salons convenables. Il ne sera pas consul à Trieste. Beyle, outré, écrit à ses amis parisiens. Finalement, grâce à leurs bons offices, il obtient un poste consulaire à Civita Vecchia. Poste de second ordre, peu enviable !

Consul de France (1830-1842) — 1